Rav Oury Cherki
Kora'h - Chronologie
Sivan 5781
L'épisode de Korah s'opposant à Moïse pose un problème quasi théologique. Comment est-il possible qu'après la révélation du Sinaï, l'authenticité de la mission de Moïse comme prophète soit remise en question par les témoins directs de la révélation ? En effet, le texte est formel : "voici que Je viens à toi dans l'épaisseur de la nuée afin que le peuple entende que Je te parle, et auront foi en toi aussi à jamais" (chemot 19, 9). La cohérence interne du texte exclut donc que l'on puisse rejeter la véracité de la prophétie mosaïque. Il semble que c'est pour cette raison que Maïmonide laisse entendre que cet épisode s'est passé avant le Sinaï (yessodei hatorah VIII, 1). Mais cette interprétation soulève des problèmes insurmontables d'exégèse. Il me semble que la solution est de poser que l'histoire de Korah s'est passée pendant les 40 jours intermédiaires entre la brisure des tables de la Loi et la deuxième montée de Moïse au mont Sinaï pour obtenir le deuxièmes tables. La teneur des propos de Korah serait donc qu'il admet que Moïse a été effectivement nommé par Dieu pour transmettre la Thora, mais que comme il a brisé les tables, il s'est lui-même disqualifié de sa mission. De même pour Aharon, coupable d'avoir fait le veau d'or. L'expression "toute l'assemblée est composée de saints" (bamidbar 16, 3) désignerait donc exclusivement la tribu de Lévi qui a lutté contre les adorateurs du veau d'or et a prouvé ainsi sa fidélité à Dieu, ce qui explique que Moïse réagit aux paroles de Korah par "entendez, fils de Lévi" (16,8).
A partir de là une série de difficultés s'évanouissent d'elles-mêmes. 1) le fait que nulle part dans le récit il n'est question du tabernacle, mais seulement de la "tente d'assignation" (Ohel moed), nom que Moïse a donné à sa tente qu'il a déplacée à l'extérieur du campement sur le versant du Sinaï durant les 40 jours (chemot 33, 7). 2) la réponse de Datan et Abiram (16, 12): "nous ne monterons pas", qui indique que Moïse se tient au-dessus du campement, et que leur "tabernacle" (16, 24), situé au sein du peuple est probablement plus populaire que la tente de Moïse. 3) le commandement qui est donne à Eléazar de se servir des encensoirs de cuivre des 250 hommes pour revêtir l'autel (17, 2-3), ce qui indique qu'il n'était pas encore construit. 4) le texte talmudique (sanhedrin 110a) qui interprète la chute de Moïse sur sa face (16, 4) comme une réaction au soupçon de débauche, qui est repris à propos du verset "ils suivirent Moïse du regard" (chemot 33, 8) qui apparait lors des 40 jours. 5) l'expression "Dieu m'a envoyé pour faire ces actions" (16, 28) se rapporte naturellement à la brisure des tables et à la nomination d'Aharon.
La raison pour laquelle l'épisode de Korah n'est pas rapporté dans chemot est que la Torah consacre le livre de bamidbar aux difficultés du peuple d'Israël, qui n'ont pas un rapport direct a la Révélation.