Rav Oury Cherki
A'haré-moth - Aller-retour
Nissan 5782
Le cérémonial qui permet à Aharon de pénétrer le jour de Kippour dans le lieu le plus saint du Tabernacle – le Saint des Saints - est double. En premier lieu, il implique une progression vers le lieu saint par des préparatifs de purification et de sacrifice pour expier ses péchés, puis ceux des cohanim, puis ceux de tous les enfants d'Israël. La progression est marquée par la topographie : de l'autel extérieur, le culte se déplace vers le sanctuaire, puis culmine avec l'introduction de l'encens et du sang des sacrifices dans le Saint des Saints. Il est remarquable que dans la description des premières phases, le nom d'Aharon est mentionné à plusieurs reprises. Mais lorsqu'il entreprend d'entrer dans le lieu saint, il perd son nom : "il prendra plein la pelle de braises ardentes de l'autel, et plein les paumes d'encens fin, qu'il amènera au-delà du rideau" (16, 12). C'est comme si la rencontre avec l'Infini annihilait la personnalité d'Aharon. Le texte de la Thora insiste encore plus fortement lorsqu'il précise : "il n'y aura aucun homme dans la tente d'assignation quand il entrera pour expier dans le lieu saint jusqu’à sa sortie" (16, 17). Cela signifie littéralement que même Aharon n'y est pas ! C'est un moment mystique, où l'individu disparait, comme englouti dans l'événement. Cependant la tradition des sages d'Israël ne considère pas ce moment comme le plus important de la journée de Kippour, mais bien celui de la sortie du Grand-Prêtre vers la cour du Temple : "comme il était splendide, l'aspect du Grand-Prêtre lorsqu'il sortait indemne du lieu saint !" (moussaf de Kippour). C'est donc bien que le judaïsme ne prône pas un spiritualisme extrême. L'ascension du grand-prêtre n'est pas une fin en soit, mais un retour a la source de la vie, figurée par le sanctuaire, pour revitaliser la vie terrestre, à l'extérieur du Temple. "tu choisiras la vie !" (Devarim 30, 19) nous intime la Thora.
De là découle le deuxième volet du service de Kippour : le bouc émissaire, accompagné dans le désert jusqu’au précipice ou il trouvera la mort. Le même Grand-Prêtre qui s'introduit jusqu'au lieu de la source de toute vie, est aussi celui qui y puise les énergies nécessaires pour alimenter le lieu des forces sauvages, figurées par Azazel, et les rattacher à la vie, exprimant ainsi le monothéisme intégral, qui transcende le parcours qui mène du Saint des Saints aux monts déchiquetés d'Azazel. La vitalité du jour de Kippour englobe le spirituel et le matériel, le pur et l'impur, pour réparer ce que le péché a détérioré. Si tout peut être réparé, si tout a un sens, alors l'espoir est permis.