Rencontre avec le rav Oury Cherki

Le P'tit Hebdo, Av 5768




Y a t il quelqu'un de plus abordable et de plus ouvert qu'un Rav? Oui: un Rav en vacances.

C'est d'ailleurs avec un immense plaisir que j'ai pu rencontrer, bavarder, observer et interroger le Rav Oury Cherki, dans le cadre d' un paisible kibbouts , où vivent "les gens du Sud". Derrière son aspect calme et discret, se cache en fait, un homme hyper créatif ,un super actif qui pétille ,d'idées, de projets et de pensées plus claires les une que les autres.

Son emploi du temps de l'année est, vous vous en doutez surchargé, mais il le gère   rigoureusement bien. Etre directeur depuis 20 ans de la section israélienne du Mahon Meir ne l'empêche pas d'écrire des livres, d'être connu et reconnu du public israélien aussi bien que du public francophone, d'être rav de la légendaire communauté de  Quiriat Moshé, d'enseigner dans des groupes de discussion du monde h'iloni, d'entretenir au moins 3 sites qui  diffusent ses cours et conférences et surtout, mais ça il ne pourra pas l'avouer, d'être un papa gâteau et attentif...

Nous pouvons être fier d'avoir parmi nous, dans la société israélienne, des hommes brillants, tels que le rav Oury Cherki, et c'est un honneur de pouvoir découvrir, même une toute petite facette, de cette grande personnalité de notre communauté.

Vous évoquez souvent le prat (individu) et le klal (collectif) ; que pensez-vous du peuple d' Israël actuellement?

Le peuple juif vit le plus grand moment de Teshouva de son histoire, une teshouva collective. C'est -à-dire un retour à son identité nationale, hébraïque et à sa terre. Il en découle que toutes les trajectoires spirituelles, morales, culturelles sont à l'indice de cette aventure collective.

Quel enseignement privilégiez-vous au Mahon Meir?

J'enseigne au Mahon depuis vingt ans et je privilégie l'étude de la pensée juive à ses sources premières dans sa confrontation avec les interrogations majeures de notre époque telle que Maimonide, le Kouzari, le Maharal de Prague et le rav Kook.

Que pensez-vous de la controverse  sur la récitation ou non du hallel le jour de Yom Haatsmaout?

La seule chose que D.ieu ne peut pas faire à notre place, c'est dire merci. C'est pour sa capacité à reconnaitre l'œuvre de l'Eternel, là où on pourrait ne voir que l'action de la nature ou de la politique, que l'homme est jugé. On comprend donc aisément que la liturgie du Hallel prévue pour les moments de rédemption, constitue la pierre d'achoppement de la foi aujourd'hui.

La première réunion du mouvement d'union dati-léumi "Koulanou" s'est déroulée au Mahon Meir. Symbole ou hasard?

Toute action politique qui vise à renforcer un secteur de la société quel qu'il soit, est vouée à longue échéance à l'échec. Le public dati-leumi devrait être capable d'envisager la prise en main des rennes politiques du pays. Un mouvement sectoriel ne peut qu'éterniser une situation marginale au lieu de marcher dans une voie centrale.  Il s'agit de s'introduire dans les partis du pouvoir.

S'engager dans la politique n'est-il pas contraire aux valeurs du judaïsme qui prônent l'honnêteté et la modestie?

La réticence par rapport au politique trouve son origine dans l'enseignement du christianisme, qui a refusé l'engagement politique du peuple juif. Si D.ieu annonce à Abraham qu'il fera de lui une grande nation, cela signifie explicitement une entité politique.  Le projet de la Torah est d'apporter la solution à tous les problèmes de l'humanité par le biais du levier collectif. L'abandon de la politique par le christianisme a contribué à l'idée reçue de la souillure politique ; la tradition d'Israël à travers Abraham, Moise, Josué, Daniel ou Rabbi Akiba nous enseigne que les gens de bien ont le devoir moral de s'engager dans la politique

Pensez-vous que la communauté francophone a un apport personnel à la société israélienne ou vaudrait-il mieux qu'elle se fonde dans la société locale?

Nous vivons le rassemblement des exilés, l'aventure que chaque groupe du peuple juif a vécu, amène une continuation unique de l'élaboration de l'identité hébraïque retrouvée à la manière de la rédemption des étincelles chez les kabbalistes ; la communauté francophone est porteuse de traces culturelles uniques, elle a donc le devoir de transmettre ses valeurs à la société israélienne.

Le pays traverse une crise, tant au plan politique que moral, qu'en pensez-vous?

Je suis un optimiste chronique, les situations de crise m'emplissent toujours d'espoir car elles sont porteuses de nouvelles potentialités.