Rav Oury Cherki
Ki Tavo - La Thora provenant de la terre
Publié sur le site du Centre Noachide Mondial.
L’inconvénient de la Révélation du Sinaï
Au mont Sinaï, la Thora a été donnée du Ciel, non de la terre. Une voix forte et puissante sortant du sommet de la montagne et l’interdiction au peuple non seulement de monter mais même de toucher le pied de la montagne sous peine de mourir. Une Thora donnée ainsi éveille dans l’âme de la crainte, de la réticence et le tremblement plus que l’amour. Les conditions de vie et l’etat de la conscience qui régnaient au temps du don de la Thora ne permettaient de donner un autre visage à la Révélation.
Une Thora donnée avant l’heure
Selon nos sages (TB Haguiga 13b), la Thora a été donnée avant l’heure, c’est-à-dire avant qu’aient mûries les conditions permettant une Thora unie avec la vie, une Thora qui ne laisserait pas ce sentiment de contrainte à l’encontre de la nature première de l’homme. Si la Providence divine avait attendu encore 974 générations, non seulement la Thora aurait alors été reçue par une identification complète de l’homme, mais une révélation exterieure à l’âme humaine n’aurait pas non plus été nécessaire. Les commandements de la Thora auraient été observés sans même que la Thora n’ait été donnée, comme le firent nos patriarches.
Rav Saadia Gaon explique que la Révélation anticipée était nécessaire pour éviter une souffrance prolongée à l’humanité si la Thora n’avait pas été donnée dans l’antiquité.
Une Révélation de bas en haut
Tout cela rend nécessaire de joindre à la Révélation menaçante du Sinaï une seconde Révélation, plus amicale, qui soignerait la plaie de « l’imposition de la montagne telle une cuve » (selon l’expression de nos sages – « kafa aleihem har keguiguit »), qui s’est déroulée hors de l’espace naturel de la Thora, hors de la terre de Canaan. Il s’agit de la révélation des monts Garizim et Ebal, dont le commandement est donné dans notre Paracha. Ici, tout est inversé : c’est le peuple qui est au sommet de la montagne et la voix, une voix humaine provenant de la bouche des lévites, s’extirpe de la terre. Tout cela nous enseigne que la Thora, en Eretz Israël, provient de la terre, de la matérialité, de la vie-même, sans contrainte. Une telle Thora place la confiance en la capacité de l’homme qui a déjà entendu la Parole de l’Eternel au Sinaï, d’accorder sa volonté à la Volonté divine, à l’aide sa nature profonde.
Deux Enseignements, deux saintetés
La double provenance de la Thora, du Ciel d’une part et de la terre de l’autre, se retrouve également dans les deux sources de sainteté rapportées dans l’enseignement du rav Kook, à savoir : la sainteté « classique », luttant contre la nature, d’une part, et de l’autre son complément apparaissant à la fin des temps, « la sainteté dans la nature ». Cette dernière lave avec énergie l’affront qui lui a été fait durant le long exil où elle a été mise au ban. C’est elle qui suscite le mouvement laïc, s’exprimant au nom d’une « vie normale », mais qui ne sait pas que c’est en fait la sainteté dissimulée dans la nature qui l’actionne.
Au bout du compte, les deux saintetés se réconcilieront et reconnaîtront leur source commune. Ainsi, ceux qui reçoivent la Thora provenant du Ciel reconnaîtront la richesse cachée de ceux qui reçoivent la Thora provenant de la terre, et ces derniers accepteront avec amour l’intensité de vie dans la Révélation de la Thora du Ciel.