Rav Oury Cherki

Athéisme

Transcription de la leçon (pas encore vérifié par le Rav). Publié sur le site du Centre Noachide Mondial



L'athéisme est un mode de pensée en vogue aujourd'hui. Le monde se divise en deux sortes de personnes. Ceux qui croient en D.ieu et ceux qui n'y croient pas. Cette division est relativement simpliste car en vérité, lorsqu'on y regarde de plus près, l'on se rend compte qu'aucun ne sait réellement de quoi il parle. Est-ce que ceux qui se disent croyants savent vraiment ce qu'ils veulent dire quand ils parlent de D.ieu? Est-ce que ce n'est pas très souvent une forme, certes subtile, d'idolâtrie, une forme d'anthropomorphisme? Et ceux qui prétendent ne pas croire en D.ieu, savent-ils vraiment ce que cela veut dire? N'est-ce pas simplement une manière d'affirmer leur liberté? Or la liberté de l'homme est elle-même voulue par D.ieu! L'on pourrait donc dire, et cela est paradoxal, que D.ieu se comporte d'une certaine façon à la manière d'un athéiste, à savoir qu'Il laisse la place à l'homme. Il n'est donc pas du tout évident que cette division que l'on a l'habitude de faire entre ceux qui croient en D.ieu et ceux qui n'y croient pas est tellement valide, en tout cas pas du point de vue de la tradition juive. En effet, une règle talmudique quelque peu surprenante pour ceux qui n'ont pas l'habitude de ce langage, dit que: "כל הכופר בעבודה זרה נקרא יהודי", c'est-à-dire que celui qui rejette l'idolâtrie, le paganisme, est automatiquement appelé juif. Le mot "juif" est à comprendre ici, par déclinaison du verbe להודות en hébreu, "celui qui reconnaît". En d'autres termes, celui qui refuse le paganisme reconnaît, implicitement, l'existence de D.ieu ou reconnaît D.ieu, le terme "existence" étant un peu ambigu.

L'on peut ainsi affirmer de manière un tant soit peu surprenante que l'athéisme moderne, du point de vue de la tradition d'Israël, est un progrès. En effet, lorsque les hommes ont décidé de rejeter l'idée de D.ieu qu'ils portaient jusqu'à présent, c'est surtout parce qu'elle était mêlée de beaucoup de scorie païenne, beaucoup d'infantilisme, de conception erronée, et donc il n'est pas forcément mauvais que les hommes aient décidé, tôt où tard, de se débarrasser de ces formes quelque peu désuètes de la connaissance de D.ieu. C'est dans ce sens que l'on peut également insérer la pensée du philosophe Nietzsche qui disait que D.ieu est mort - l'on peut dire d'une certaine manière que la conception de la divinité qu'avaient les hommes jusque là est morte.

Il est de plus intéressant de voir que dans la liste des commandements noachides, les commandements que la Torah réserve aux nations du monde, sont mentionnées l'interdiction de l'idolâtrie ainsi que l'interdiction du blasphème, toutefois nulle part il n'est indiqué qu'il y aurait un commandement positif qui serait de croire en D.ieu. A l'inverse, l'un des 613 commandements de la tradition d'Israël et, d'après certains, même le premier, est d'admettre l'existence de D.ieu. Or, si ce commandement n'existe pas dans la liste des commandements noachides, c'est peut-être justement parce qu'il y a une prudence de la tradition juive par rapport à des formulations d'ordre théologique. Autrement dit, lorsque quelqu'un commence à parler de D.ieu, donne une définition de ce qu'est pour lui D.ieu et l'écrit dans un dictionnaire ou dans un catéchisme, l'on se demande si finalement il ne va pas dire des bêtises. Il est alors préférable de nettoyer le terrain, de ne pas parler de l'existence du Créateur et peut-être, ainsi, laisser le débat à ce propos aux spécialistes de la question. Or, les spécialistes de la question de la divinité, traditionnellement, sont les prophètes d'Israël. Ceux qui sont en contact direct avec la parole du Créateur peuvent savoir de qui ils parlent lorsqu'ils emploient le nom de D.ieu. Nous autres, les juifs, qui sommes les héritiers des prophètes, avons perdu cette connaissance. Toutefois, si nous ne sommes plus aujourd'hui en situation de parler directement du Créateur, nous avons des réminiscences. Nous avons un souvenir de cette parole qui s'adressait à nous dans l'antiquité et c'est pour cette raison que nous avons un message que nous sommes susceptibles de transmettre à l'humanité. Nous avons le secret du souvenir de la parole, comme le disait un des grands maîtres du judaïsme du 20e siècle, le rav Yehouda Léon Ashkenazi, Manitou, qui disait que "si la voix s'est tue, l'écho n'est point tari". Or, aujourd'hui, nous vivons le reste d'un écho. Cet écho est en train de renaître sous forme de parole. Il est en train de renaître sous la forme d'Israël qui revient sur sa terre, et donc l'on peut dire que l'athéisme moderne est bienvenu, il est venu à point nommé, pour libérer les hommes des entraves de l'idolâtrie et leur permettre d'écouter une parole pure sortant de Jérusalem.