Rav Oury Cherki

Le rachat des premiers-nés

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Le rituel algérois a conservé une antique tradition concernant la cérémonie du rachat du premier-né, qui est d’ajouter une longue bénédiction prononcée par le Cohen, qui s’achève sur les mots: מקדש בכורי ישראל בפדיונן, c’est-a-dire : « qui sanctifie les premiers-nés d’Israël par leur rachat ». Cette bénédiction ne se trouve pas dans le Talmud, mais a été instituée par les Gaonim (Chaaré Techouva 47) et était d’usage chez tous les Sepharadim ( selon R. Hananel, Ramban, Rachba, Aboudarham, et bien sûr, notre maitre Ribach, responsa 131). Cependant, le Roch (cité dans le Tour Yoré Déa 305) a écrit que les Achkenazim ne la récitent pas, à cause de l’absence de source talmudique. Il ressort donc que cette bénédiction était répandue en pays musulman et absente en pays chrétien. Il me semble que l’on peut proposer l’interprétation suivante : alors qu’à l’époque talmudique il importait de mettre en évidence la sainteté des cohanim en tant que résidu de l’époque du Temple, il devenait urgent au moyen-âge en terre d’Islam d’insister sur la primauté du peuple juif, issu d’Itzhak, premier-né de Sarah, sur Ismaël, né après une fausse couche (cf. Rachi sur Berechit XVI, 5), et donc dénué de la sainteté que confère l’ainesse. De là découle l’importance d’une bénédiction qui met l’accent sur la sainteté de l’ainé en plus de la sainteté du Cohen. La rivalité que connaissaient les juifs avec le christianisme était d’un ordre très différent, et donc cette bénédiction était absente du rituel ashkénaze. On voit donc bien comment des détails de liturgie sont porteurs d’idées fondamentales.