Rav Oury Cherki

Les vaches grasses et les vaches maigres

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La communauté d’Alger a été formée a ses débuts essentiellement par l’afflux des juifs de Majorque en 1391 parmi lesquels notre maître Rachbats, a la suite des persécutions de l’époque. Notre autre maître, Ribach, originaire de Catalogne, entretenait une abondante correspondance avec les ressortissants de Majorque, dans laquelle se reflètent les conditions de vie de son temps. Interrogé par Rabbi Chemouel Halayo sur le faible montant de la kétouba, fixé par le Talmud a 200 zouz (=environ 1 kg d’argent), somme insuffisante pour dissuader de divorcer, Ribach (responsa 153) répond : « Tu as évalué selon la fortune des hommes de Majorque ou les riches possédaient des maisons pleines de richesses, des trésors d’argent et de marchandises, des cachettes pleines de pierreries et de perles et des grottes pleines de deniers d’or. Celui qui ne possédait pas tout ceci, même s’il disposait de biens et des bijoux et des milliers de pièces d’or ainsi que d’une profession aisée pour sa subsistance était considéré comme pauvre. Mais tu devrais évaluer selon les habitant de ce pays [=la Berbérie] qui n’ont même pas de quoi acquérir leur pain et qui mesurent leur eau, qui dorment au ras du sol sur un tapis de cuir, qui se revêtent la nuit de leur vêtement de la journée, dont les vêtements sont rapiécés et qui marchent souvent nu-pieds. »

Ce texte témoigne de la chute qu’a entraîné pour notre peuple l’exil d’Espagne. Notre communauté, qui comptait parmi ses membres plusieurs des grands maîtres d’Israël, ne pouvait rayonner aussi loin que sa grandeur le justifiait, a tel point que même l’impression des œuvres rabbiniques d’Algérie, interdite sur le sol d’Afrique du nord par les musulmans, ne pouvait se faire que grâce au soutien des communautés d’Europe. Cependant la réputation de la communauté d’Alger arrivait parfois au loin. Par exemple, le ‘Hida [R. Hayim Yossef David Azoulay] signale que l’autorité des maîtres d’Algérie est plus puissante pour leur communauté que celle du Choul’han ‘aroukh pour les sépharadim (responsa ‘Hayim chaal II, 15).