Rav Oury Cherki

Chémot (Haftara) - Amour inconditionnel

Publié sur le site du Centre Noachide Mondial.



La Haftara de Chemot est controversée. Les ashkénazes lisent Isaïe 27-28 alors que les sépharades lisent le premier chapitre de Jérémie comme le premier Chabbat après le jeûne du 17 Tamouz marquant le commencement de la période de deuil. La tradition sépharade n’est pas claire. Pourquoi reprendre un passage qui est déjà lu dans un autre contexte, qui plus est de malheur ? Il semble que l’explication repose sur le fait qu’à l’origine était lu comme Haftara de Chemot le même texte que dans les communautés du Yémen, de Bagdad et de Tunis, à savoir Ezéchiel 16. Or il est dit dans la Michna (Méguila 4, 8) : « Rabbi Eliezer dit : l’on ne récite pas comme Haftara « fais connaître à Jérusalem » ». Quand bien même la Hala’ha n’a pas été tranchée selon cette Michna (TB Méguila 25b), il semble que ce qui est raconté dans le Talmud a contraint à renoncer à ce passage : « il est raconté qu’un homme lisait « fais connaître à Jérusalem ses abominations » à proximité de rabbi Eliezer. Il lui dit : « avant de chercher les abominations de Jérusalem, commence par vérifier les abominations de ta mère ! » L’on vérifia et une ombre fut trouvée ». Malgré cela, dans ces communautés la tradition fut conservée.

Mais hormis l’ouverture du chapitre 16 d’Ezéchiel forte de remontrances ouvertes, qu’est-ce que cette Haftara est belle ! Elle est emplie de l’amour de Dieu pour Son peuple dans les versets qui suivent (6-13) : « Je passai auprès de toi, Je te vis t’agiter dans ton sang, et Je te dis: « Par ton sang tu vivras! », Je te dis: « Par ton sang tu vivras! ». Je t’ai multipliée comme la végétation des champs, tu as augmenté, grandi, tu as revêtu la plus belle des parures, tes seins se sont affermis, ta chevelure a poussé, mais tu étais nue et dénudée. Et Je passai près de toi et vis que tu étais arrivée à l’âge des amours; J’étendis mon vêtement sur toi et couvris ta nudité; Je m’engageai à toi par serment et fis alliance avec toi, dit le Seigneur Dieu, et tu fus à moi. Je te lavai dans l’eau, Je nettoyai le sang qui te recouvrait et Je t’oignis d’huile. Je te revêtis de broderies, Je te mis des chaussures de tahach, Je te ceignis de byssus et te couvris de soie. Je t’ornai de parures, Je te mis des bracelets aux mains, un collier au cou. Je te mis un anneau au nez, des boucles aux oreilles et une couronne magnifique sur la tête. Tu te paras d’or et d’argent; ton costume était de byssus, de soie et de broderie; tu te nourris de fine fleur de farine, de miel et d’huile; et tu fus belle, très belle, et digne de la royauté. »

La quantité d’expressions exprimant le soin dévoué de l’amant à son amante met certes en évidence la déception ressentie par la trahison de l’amante, mais elle dévoile avant tout qu’à la source existe un amour intense et inconditionnel entre le Saint Béni soit-Il et la communauté d’Israël. C’est cet amour qui s’est exprimé lors de la sortie d’Egypte alors qu’Israël ne méritait pas d’être délivré, et c’est à nouveau cet amour qui s’est exprimé de nos jours permettant la délivrance d’Israël et la création de son Etat.

Ce même thème est exprimé plus succinctement dans les Haftarot choisies par les autres communautés, que ce soit dans Jérémie (2, 2) : « Je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles » ou dans Isaïe (29, 22) : « Désormais, Jacob ne sera plus mortifié, désormais son visage ne doit plus pâlir ».