Rav Oury Cherki

Vayigach (Haftara) - Roi ou délégué?

Publié sur le site du Centre Noachide Mondial.



La réconciliation entre Joseph et ses frères est la base et l’avant-goût de la réconciliation future entre les tribus d’Israël au nord et la tribu de Juda au sud. Dans la haftara de cette semaine (Ezéchiel 37, 15-28) cette union, entre l’arbre de Juda et l’arbre d’Ephraïm, est décrite sous forme d’union politique : « Je les constituerai en nation unie dans le pays, sur les montagnes d’Israël; un seul roi sera le roi d’eux tous: ils ne formeront plus une nation double et ils ne seront plus, plus jamais, fractionnés en deux royaumes » (Ez. 37, 22). L’union ne se fait, au départ, que sur le plan laïc – technique. Cette première expérience permet au peuple de retrouver son identité et le purifie de ses idoles : « Ils ne se souilleront plus par leurs idoles abjectes, par leurs turpitudes, par tous leurs forfaits; Je les tirerai de toutes les demeures », et grâce à ça « alors ils seront pour Moi un peuple et Moi, Je serai pour eux un Dieu » (id. 23).

Ce n’est qu’après avoir retrouvé une partie de l’identité collective originelle du peuple que peut apparaître le dirigeant porteur de traits semblables à ceux de David : « Mon serviteur David régnera sur eux, il n’y aura qu’un berger pour eux tous » (id. 24). Le titre du dirigeant est « roi ». Or dans le verset suivant (25), il est dit : « et David, mon serviteur, sera leur délégué (« Nassi ») pour toujours ». La différence entre le roi et le dirigeant-délégué est que le règne du roi est autoritaire, de haut en bas et par la vertu de justice, alors que l’autorité du délégué provient du peuple qui l’élève (« Ménassé »). Une direction autoritaire et concentrée est nécessaire lorsque la société est en crise morale. Mais lorsque la société est mature sur le plan des valeurs alors un roi n’est plus indispensable et un dirigeant-délégué peut suffire. Le dirigeant doit descendre du roi David, car c’est cette famille qui porta tous les espoirs du peuple dans les moments de détresse. Sans elle il manquerait le point culminant symbolique de nos espoirs nationaux (rav Kook).

Le passage du roi au délégué est facilité par l’adoption de deux valeurs : la Thora et la terre. L’élection d’un roi ramène le peuple au respect de la Thora : « ils suivront Mes lois, ils garderont Mes statuts et s’y conformeront » (24). Le respect des commandements contient une part de contrainte extérieure ressemblant au régime monarchique, comme l’explique Maïmonide (Rois 10, 2) que le roi-messie imposera au peuple le respect de la Thora. Mais le processus de maturation du renouvellement de l’identité nationale passe par un retour à la nature première, par l’intermédiaire de la terre : « Ils habiteront le pays que J’ai donné à Mon serviteur Jacob, qu’ont habité vos pères; ils y demeureront, eux et leurs enfants et leurs petits-enfants pour toujours » (25). Eretz Israël, où le profane est sacré, donne vie aux sentiments naturels de l’homme. Le retour à la normalité, à la vie dans son sens le plus profond, à travers plusieurs générations, élève l’âme de la société à un niveau où la contrainte n’est plus nécessaire : « et David, mon serviteur, sera leur prince pour toujours » (25).