Rav Oury Cherki

Hayey Sara (Haftara) - Que lui manque-t-il?

Publié sur le site du Centre Noachide Mondial.



Rois I 1, 1 – 31

"Adonias, fils de Hagghit, laissait percer son ambition en disant: "C’est moi qui serai roi."" (Rois I 1, 5). A priori, Adonias a tout pour prendre le pouvoir. Il est le cinquième fils du roi David, juste après Absalon qui était quatrième, lui donnant l’avantage de l’âge sur Salomon. Il a aussi une affinité pour l’esthétique et la majesté, comme il se doit d’un roi : "Il se procura un char et des écuyers, se faisant précéder de cinquante coureurs" (ibid.). Même sa stature impose le respect : "Il était d’ailleurs d’une grande beauté" (id, 6).

Ce qui lui manque est l’autorité paternelle: "Jamais son père ne l’avait contrarié en disant: "Pourquoi agis-tu ainsi?"" (ibid.). La crainte qu’une remarque éducative du père n’assombrisse l’humeur du fils, de peur que cela n’entrave la joie de son service de Dieu, a empêché Adonias de profiter d’une valeur éducative essentielle: l’autorité. C’est pour cette raison qu’il est disqualifié de tenir un rôle de donneur d’ordres, fonction essentielle du gouvernement, de l’autorité.

Ce manque se trouve déjà en allusion dans son nom, Adoni-yahou, qui contient les trois premières lettres du tétragramme ainsi que les trois premières lettres d’un autre nom de Dieu – Adonaï. Ce qui manque est la quatrième lettre représentant, dans la kabbale, la sphère de la royauté.

La capacité de régner implique l’abandon du sectorialisme. Mais Adonias ne comprend pas cela et ne se lie pas à l’ensemble des dirigeants du peuple, lorsqu’il procure des avantages uniquement à ceux qui partagent ses opinions: "Adonias fit égorger des pièces de menu et de gros bétail et des animaux engraissés, près de la pierre de Zohéleth, qui est à côté d’En-Roghel; il convia tous ses frères, les fils du roi, et tous les Judaïtes, serviteurs du roi. Mais Nathan le prophète, Benaïahou, les Vaillants, et Salomon, son frère, il ne les convia point." (id. 9-10). L’inclusion à sa table d’Eviathar, le Cohen rejeté, démontre un conservatisme excessif, qui ne reconnaît pas la valeur de la prêtrise améliorée de Zaddok. L’inclusion de Joab fils de Cerouya démontre une prédilection pour une direction militaire révolue, appelée à laisser sa place à Benaïahou fils de Joïada, qui mêlerait Thora et armée.

Il se peut que ça soit le souvenir de son acte avec Bethsabée qui empêcha le roi David de soutenir ouvertement son fils Salomon. Il se peut qu’il craint que la royauté ne puisse descendre de celle qui entra chez lui dans un moment de faiblesse. Or c’est précisément la collaboration de Bethsabée – qui lui rappelle sa faute – avec le prophète Nathan – qui réprima vivement David de l’avoir prise à Urie le Héthéen – qui démontra à David que c’est Salomon qui mérite le trône. C’est là qu’il comprit que la dynastie messianique devait contenir des éléments de faute expiée, afin de d’élever les mauvais penchants du peuple. Le dirigeant ne peut comprendre l’âme de son peuple, qui est sujette aux fluctuations, s’il ne vient pas lui-même d’en bas, du moins par ses origines familiales.