Rav Oury Cherki

Vaye'hi - Passage des générations

Une lettre aux Noahides

Publié sur le site du Centre Noachide Mondial.



"Il appela, son fils Joseph". Rachi commente qu'il appela celui qui a le pouvoir d'agir. Pourquoi Rachi ressent-il le besoin de nous dire cela, ne le savons-nous pas déjà? N'est-ce pas évident que si Jacob choisit de s'adresser à Joseph, et non à ses frères, c'est qu'il le savait capable de remplir sa demande en tant que gouverneur d'Egypte?

Une seconde lecture du verset permet de s'apercevoir que la ponctuation marque un temps d'arrêt après le mot " appela". Car c'est à Dieu que Jacob s'adressa, "Celui qui a le pouvoir d'agir" comme l'indique Rachi, et c'est suite à cela qu'il appela Joseph pour réaliser la volonté de Dieu. Cette scène sous-entend le passage de témoin de Jacob à Joseph en tant que porteur de la présence divine.

Cette explication permet de mieux saisir la contradiction dans les propos suivants de Rachi: "Israël se prosterna - lorsque arriva l'heure du règne du renard, il se prosterna", d'où il apparaît que Jacob-Israël se prosterna, justement, face à Joseph, alors que par la suite il commente: "au pied du lit - il se tourna face à la présence divine", d'où il semble que la raison est qu'il n'est pas opportun de se prosterner face à Joseph. Or, selon notre explication, l'on comprend que lorsqu'il se tourna face à la présence divine, il fit face à Joseph, sur qui réside la présence divine à l'ère de l'exil d'Egypte.

Il est vrai que Joseph n'a pas eu le mérite d'être le quatrième patriarche d'Israël, car à partir de Jacob la sainteté apparaît dans le collectif, englobant tous les enfants de Jacob dont la "couche est entière", mais il possède néanmoins une facette de patriarche, s'exprimant par le fait que ses deux enfants, Manassé et Ephraïm, sont également considérés comme tribus. Il réalise ainsi sont statut d'aîné recevant deux parts de l'héritage de son père.

Comment comprendre le débat entre Joseph et Jacob sur l'ordre de précédence d'Ephraïm ou de Manassé (Gen. 48,17 et ss.)? Il semble que Jacob cherche à réparer la voie de Joseph. Car le nom Manassé marque le détachement de Joseph de la maison de son père, comme le dit le verset: "Dieu m'a fait oublier... toute la maison de mon père" (Id. 41, 51). C'est sur l'arrière plan de ce détachement qu'apparaît Ephraïm, qui exprime la réussite consécutive à ce détachement: "Dieu m'a fait fructifier dans le pays de ma misère" (Ibid. 52). Mais à l'heure où la maison de Jacob se reconstruit, et que toutes les tribus y sont intégrées, soudées par l'amour et la réconciliation, il est nécessaire que l'ordre soit modifié, qu'Ephraïm vienne avant Manassé, c'est-à-dire que la réussite vienne précisément par le rattachement à Jacob et non son détachement.

Ainsi, Manassé devient celui qui est chargé de la mémoire et non de l'oubli, comme cela apparaîtra à l'heure où les tribus de Ruben et Gad demanderont à s'asseoir à l'est du Jourdain. Alors sera envoyée la demi-tribu de Manassé sur cette rive du Jourdain pour permettre de préserver la cohésion et la mémoire collective commune des tribus d'Israël dans leur intégralité.