Rav Oury Cherki
L'homicide
Transcription de la leçon (pas encore vérifié par le Rav). Publié sur le site du Centre Noachide Mondial
Le respect de la vie d'autrui est une valeur universellement reconnue, comme le dit la Thora: "tu ne tueras point" (Exode XX,14) ou de façon plus explicite encore dans la Genèse "celui qui verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé" (IX,6), injonction faite aux hommes de juger l'homicide.
Sujets sensibles
Pour entrer dans les détails de la loi, il est évident que l'interdiction de l'homicide du point de vue de la Thora inclut l'avortement, à savoir la mise à mort d'un enfant qui, bien que pas né encore, a pour finalité de naître, ainsi que l'euthanasie – une mise à mort par miséricorde. La Thora interdit ces actes car l'homme n'est pas maître de sa vie et encore moins de la vie d'un enfant dans le ventre de sa mère. Cependant, chaque cas est particulier et requiers l'avis d'un rabbin, car si le fœtus mettait en danger la vie de sa mère l'avortement serait alors nécessaire par exemple. La tradition talmudique va plus loin encore. En effet, elle considère comme homicide le fait d'humilier son prochain en public sous le couvert de la métaphore, car une personne humiliée en public blanchit comme si elle avait perdu son sang.
Nous n'entrerons pas ici dans le débat existant entre nos maîtres au sujet des limites d'action lors de conflits armés. Les lois des États définissent les marges de manœuvre des soldats lors des conflits entre nations. Mais hors de ce cadre, le meurtre est bien évidemment répréhensible et aucune excuse ne peut légitimer le fait de s'emparer de la vie d'autrui.
Inné ou acquis?
La question qu'il convient de se poser est plus profonde. Cette inclinaison destructrice qui existe chez l'homme provient-elle d'un accident de l'histoire ou fait-elle partie de la nature humaine? L'homme est-il naturellement méchant et nocif envers son prochain?
Le récit de la Bible nous révèle que la présence des deux premiers hommes frères sur terre, Caïn et Abel, entraîna le premier homicide. Si l'image généralement naïve d'une relation pacifique entre frères prédomine, la Bible est plus pessimiste. La relation fraternelle n'est par nature pas pacifique, car la simple existence de la fraternité, de deux personnes partageant le même destin, entraîne d'elle-même la rivalité. C'est pourquoi la Bible insiste sur le fait qu'il est indispensable "d'aimer son prochain comme soi-même" (Lévitique XIV,18). Car aimer son lointain comme le propose la critique de l'évangile est chose facile, aimer quelqu'un avec qui je ne suis pas en rivalité ne pose généralement pas de problème. C'est la proximité de la destinée avec l'autre, poussée au paroxysme avec mon frère, qui pose le réel problème de l'amour et risque de banaliser la violence.
Une phrase de la liturgie juive illustre ce pessimisme: "עושה שלום במרומיו הוא יעשה שלום עלינו" (que Celui qui établit la paix dans Ses hauteurs l'établisse sur nous) – seule une intervention divine permet de faire la paix entre les hommes. C'est en quelque sorte ce qui s'est déroulé lors de la rivalité entre Joseph et ses frères. La Thora clôt le livre de la Genèse avec ce récit de frères qui, après avoir presque tué l'un des leurs, parviennent à la fraternité pour nous enseigner qu'il existe l'assurance d'un point de paix entre les hommes. A partir de ce message, l'histoire peut débuter avec le livre de l'Exode qui verra la création du peuple d'Israël porteur de cette assurance qu'un jour l'amour surmontera la violence.